Ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon a
conclu l’université d’été (le « Remue-Méninges ») du Parti de Gauche
par un discours appelant à un changement profond des institutions. La plupart
des médias ont surtout retenu de son développement les critiques incisives à l’endroit
du gouvernement, passant sous silence ou presque l’aspiration à une 6ème République.
Durant cette intervention, Mélenchon a
souligné le fait que les puissants de ce pays considèrent les citoyens comme « des
buses ». Cela s’est vérifié le jour même dans un papier du Nouvel
Observateur : selon ce journal, Mélenchon aurait tenu « un discours pour bac + 10 », sous-entendu un discours trop intellectuel pour être
véritablement compris par l’auditoire. Remercions le Nouvel Observateur de nous
apprendre que nous sommes trop idiots pour comprendre. On devine au passage un
autre sous-entendu : « bac + 10 », c’est le Ciel des Idées ma bonne dame, c’est
l’abstraction, c’est l’idéalisme. Pour le Nouvel Observateur, Mélenchon plane et
ses auditeurs sont des cons.
Quoi de plus matérialiste et pragmatique pourtant qu'une Sixième République ? Qu’y-a-t-il de si
stupide – ou de si exotique – à appeler de ses vœux une nouvelle République,
qui renouerait avec les fondamentaux révolutionnaires que sont Liberté, Égalité
et Fraternité ? Qu’y-t-il de si débile – ou de si surnaturel – à vouloir
rédiger une nouvelle Constitution, posant les jalons d’une République redevenue
démocratique, populaire et sociale ? Au mois de mai 2013, plus de 100000
personnes (180000 selon les organisateurs), avaient défilé sur les boulevards
de Paris en appelant à dépoussiérer les institutions, à construire un nouveau
pouvoir citoyen. 180000 imbéciles entraînés par une poignée de rêveurs ?
À l’époque, l’affaire Cahuzac
(vous savez, le même qui affirmait qu’on peut « ne pas croire » à la
lutte des classes, comme si la lutte des classes était affaire de croyance…)
venait d’émouvoir ce que les médias nomment « l’opinion publique ».
Les manifestants réclamaient « un coup de balai » pour chasser les
intérêts financiers de la sphère politique ; au passage, ils souhaitaient
également l’inscription d’une « règle verte » (ne pas gaspiller plus
que ce que la planète peut produire et recycler en une année) dans la
Constitution, tout comme la garantie pérenne de droits acquis et nouveaux
(avortement, droit de mourir dans la dignité, droit d’épouser qui on le
souhaite et de procréer…) ; bref, au moment où la crise politique s’intensifiait,
ces citoyens désiraient se ressaisir
de la politique.
L’analyse de Jean-Luc Mélenchon
est probablement la bonne puisque cette manifestation fut une des plus réussies
par la gauche authentique depuis mars 2012. Mais pour les médias, Mélenchon
fantasme et ses auditeurs suivent bêtement. C’est aussi, on a eu dernièrement l’occasion
de s’en souvenir, ce qu’ils prétendent à propos des grèves : ainsi, pour ceux qui
méprisent « l’opinion », les grévistes ne savent pas ce qu’ils font.
Nous sommes trop cons, trop vils,
trop méprisables pour aspirer à un référendum révocatoire et à l’interdiction
absolue du cumul des mandats. Parce qu’y aspirer, c’est de l’ordre du délire, hein. C’est
de la folie.
L’oligarchie a parlé : point
de salut en dehors des remaniements ministériels communément admis.
Le peuple n’a pas à se montrer aussi cancre
que ses gouvernants et peut se faire entendre.
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