Républix

lundi 25 août 2014

La Sixième République et les méprisants



Ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon a conclu l’université d’été (le « Remue-Méninges ») du Parti de Gauche par un discours appelant à un changement profond des institutions. La plupart des médias ont surtout retenu de son développement les critiques incisives à l’endroit du gouvernement, passant sous silence ou presque l’aspiration à une 6ème République


Durant cette intervention, Mélenchon a souligné le fait que les puissants de ce pays considèrent les citoyens comme « des buses ». Cela s’est vérifié le jour même dans un papier du Nouvel Observateur : selon ce journal, Mélenchon aurait tenu « un discours pour bac + 10 », sous-entendu un discours trop intellectuel pour être véritablement compris par l’auditoire. Remercions le Nouvel Observateur de nous apprendre que nous sommes trop idiots pour comprendre. On devine au passage un autre sous-entendu : « bac + 10 », c’est le Ciel des Idées ma bonne dame, c’est l’abstraction, c’est l’idéalisme. Pour le Nouvel Observateur, Mélenchon plane et ses auditeurs sont des cons. 


Quoi de plus matérialiste et pragmatique pourtant qu'une Sixième République ? Qu’y-a-t-il de si stupide – ou de si exotique – à appeler de ses vœux une nouvelle République, qui renouerait avec les fondamentaux révolutionnaires que sont Liberté, Égalité et Fraternité ? Qu’y-t-il de si débile – ou de si surnaturel – à vouloir rédiger une nouvelle Constitution, posant les jalons d’une République redevenue démocratique, populaire et sociale ? Au mois de mai 2013, plus de 100000 personnes (180000 selon les organisateurs), avaient défilé sur les boulevards de Paris en appelant à dépoussiérer les institutions, à construire un nouveau pouvoir citoyen. 180000 imbéciles entraînés par une poignée de rêveurs ? 


À l’époque, l’affaire Cahuzac (vous savez, le même qui affirmait qu’on peut « ne pas croire » à la lutte des classes, comme si la lutte des classes était affaire de croyance…) venait d’émouvoir ce que les médias nomment « l’opinion publique ». Les manifestants réclamaient « un coup de balai » pour chasser les intérêts financiers de la sphère politique ; au passage, ils souhaitaient également l’inscription d’une « règle verte » (ne pas gaspiller plus que ce que la planète peut produire et recycler en une année) dans la Constitution, tout comme la garantie pérenne de droits acquis et nouveaux (avortement, droit de mourir dans la dignité, droit d’épouser qui on le souhaite et de procréer…) ; bref, au moment où la crise politique s’intensifiait, ces citoyens désiraient se ressaisir de la politique. 


L’analyse de Jean-Luc Mélenchon est probablement la bonne puisque cette manifestation fut une des plus réussies par la gauche authentique depuis mars 2012. Mais pour les médias, Mélenchon fantasme et ses auditeurs suivent bêtement. C’est aussi, on a eu dernièrement l’occasion de s’en souvenir, ce qu’ils prétendent à propos des grèves : ainsi, pour ceux qui méprisent « l’opinion », les grévistes ne savent pas ce qu’ils font.   


Nous sommes trop cons, trop vils, trop méprisables pour aspirer à un référendum révocatoire et à l’interdiction absolue du cumul des mandats. Parce qu’y aspirer, c’est de l’ordre du délire, hein. C’est de la folie. 


L’oligarchie a parlé : point de salut en dehors des remaniements ministériels communément admis.  

Le peuple n’a pas à se montrer aussi cancre que ses gouvernants et peut se faire entendre. 

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