Républix

samedi 9 août 2014

La lutte des classes, c'est maintenant




Il y en a qui se prétendent « de gauche » et qui revendiquent dans le même temps ne pas croire à la lutte des classes. Absurde ? Non, pratique : faire croire aux pauvres que la lutte des classes n’existe pas permet de s’assurer une relative paix sociale, tout en leur marchant allégrement dessus. 


J’ai pris assez tôt conscience d’appartenir à une certaine classe sociale ; je crois que ça a commencé dès la maternelle, quand l’institutrice nous a demandé de dessiner nos vacances : mes petits camarades ont peint des plages de sable fin, j’ai gribouillé une télévision. Puis, à l’école primaire, alors que mes copains jouaient à de beaux jeux de société compliqués et très chers, je me suis ramené avec un vieux plateau de dames. Il y a eu les moqueries, les insultes même. Au début, j’avais honte d’avouer le métier de mes parents ; et puis j’ai compris de fil en aiguille que cette honte était une forme d’auto-culpabilisation bien commode pour les riches. Si tu es pauvre, c’est de ta faute ! Voilà pour ma psychanalyse.



Karl Marx a écrit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Encore faut-il que la conscience de classe soit en mesure de s’épanouir. Pour grossir le trait, on peut être humilié sans le savoir, en contournant le problème ou en préférant feindre l’ignorer. C’est là que le monde de la finance gagne la partie. « Il ne peut y avoir révolution que là où il  y a conscience », remarquait Jaurès. On peut préférer croire que c’est l’immigré qui est la cause de tous nos maux, et non le banquier. On accuse le chômeur – même lorsqu’on est soi-même sans activité rémunérée – plutôt que le financier. Pour ce dernier, il vaut mieux que la lutte des classes n’existe pas. Que les peuples qu’il opprime ne soient pas en mesure de s’affirmer. Un peuple qui emprunte la pente du « Ni droite ni gauche », du « Tous pourris » et du « Chacun pour soi » n’est pour ainsi dire plus un peuple mais une somme d’individus ; c’est une société disloquée sur laquelle la main du Grand Marché n’a plus qu’à s’abattre froidement. 


La sortie d’un Cahuzac niant la lutte des classes participe de ce délitement des consciences ; le Parti « Socialiste » a bel et bien choisi le camp des banquiers et nous serine que tout va bien braves gens. Le soi-disant trait d’humour du ministre Sapin (« Notre amie, c’est la finance », 6 juillet 2014) n’en était ainsi pas un. Eux ont conscience de leur classe et savent ce qu’ils font. Politiciens corrompus et appareil médiatique faisandé travaillent pour leur camp en nous endormant. La formule du milliardaire Warren Buffet apparaît d’une tragique actualité : 


« C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner. » 


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